Allemagne : l’employeur peut-il utiliser l’image d’un salarié après son départ de la société ?
Dans un arrêt récent, la Cour d’appel en matière sociale (Landesarbeitsgericht) du Bade-Wurtemberg a condamné une société à verser à son ancien collaborateur 10.000 euros de dommages et intérêts en raison de l’utilisation de photos et vidéos de celui-ci prises sur le lieu de travail alors que le salarié avait quitté la société il y a plus de 9 mois.
Les faits de l'espèce :
L’intéressé avait travaillé en tant que technicien publicitaire jusqu'à fin avril 2019 dans une société du secteur de la publicité.
Dans le cadre de ce travail, le salarié avait notamment animé des formations internes et externes et avait accepté d’être pris en photo et filmé par son employeur durant ses interventions dans un but commercial. Lesdites photos et la séquence vidéo avaient été publiées sur le site internet et sur le compte Facebook de la société. Le salarié avait, par la suite, changé d’employeur et travaillait, depuis mai 2019, chez une société concurrente.
Après le départ du salarié, son ancien employeur avait continué à utiliser les images où il apparaissait et ce, malgré plusieurs demandes écrites de sa part de stopper cette utilisation et de supprimer définitivement les images concernées. Ce n’est qu’en février 2020, après avoir reçu une mise en demeure d’un avocat, que la société supprima les illustrations de son site internet et son compte Facebook.
L’ancien collaborateur estimant que la société avait porté atteinte à ses droits à la personne en raison de l’utilisation non autorisée de son image pendant plus de 9 mois, image où il apparaissait comme représentant de son ancien employeur alors qu’il occupait un poste chez un concurrent, il lui réclama des dommages et intérêts.
Décisions en première instance et en appel :
En première instance, la société avait été condamnée au versement de 3.000 euros de dommages et intérêts à hauteur au motif que l’utilisation non autorisée d’images constitue un manquement aux dispositions du RGPD et porte atteinte de manière significative aux droits à la personne de l’ancien salarié.
La Cour d’appel en matière sociale du Bade-Wurtemberg a elle estimé que les dommages et intérêts accordés en première instance ne réparaient pas l’entier préjudice de l’ancien collaborateur et a relevé le montant de la condamnation à 10.000 euros. Elle a notamment justifié sa décision par le fait que les juges de première instance n'avaient pas suffisamment tenu compte du fait que la société avait utilisé les images à des fins commerciales alors que l’intéressé ne faisait plus partie du personnel.
Selon la Cour, la réalisation de bénéfices résultant de l'atteinte aux droits à la personne ainsi que l’intensité de cette atteinte doivent également être prises en compte dans l’évaluation du préjudice. En outre, le montant de la condamnation doit être suffisamment élevé pour avoir un véritable effet dissuasif.
Recommandation pratique :
Cet arrêt est l’occasion de rappeler que le consentement donné par un salarié en vue de l’utilisation, par l’employeur, de ses données à caractère personnel ne vaut que pendant la période d’exécution du contrat de travail si ce consentement n'inclut pas expressément aussi l'utilisation au-delà de la durée de son emploi. Une telle violation du RGPD peut entraîner de sérieuses conséquences financières pour l’ancien employeur selon le contexte dans lequel se trouvent les parties.
Si, en tant qu'employeur, vous souhaitez continuer à utiliser les données à caractère personnel de vos anciens salariés, vous devez vous assurer que ceux-ci ont donné leur accord. Si ce n’est pas le cas, veillez, en cas de départ de l’un de vos salariés à supprimer de l’ensemble de vos outils de communication tout support contenant des informations personnelles et images qui le concernent et ce, quand bien même leur utilisation n’aurait pas de caractère commercial.
03.11.2023