L’employeur en Allemagne peut-il ordonner le retour au bureau ?
Dans une décision du 18 avril 2023 (pas encore publiée), le tribunal du travail de Munich a statué en référé sur un litige relatif à la présence obligatoire des salariés au bureau et à la limitation du télétravail par l’employeur en entreprise.
Contexte
Que l’on considère le droit français ou le droit allemand, il n’existe actuellement aucun droit ni aucune obligation du salarié à bénéficier du télétravail. En principe, le télétravail s’organise par la rédaction du contrat de travail directement ou par l’ajout d’un accord de travail à domicile complétant ledit contrat de travail. L’aménagement du télétravail peut également s’effectuer par le biais d’une convention collective (Tarifvertrag) ou d’un accord d’entreprise (Betriebsvereinbarung).
Faits
Depuis 2016, la société concernée par l’affaire dispose en effet d’un accord d’entreprise stipulant les modalités de télétravail applicables à ses salariés.
Notamment, il précise que le personnel est autorisé à travailler 25 jours par an depuis l’étranger. Dans les faits, les salariés de cette entreprise bénéficient de disponibilités de télétravail sur la base du volontariat sous la condition que la majeure partie du temps de travail s’effectue sur le site de l’entreprise.
Le litige est survenu lorsque l’entreprise a souhaité voir ses salariés revenir plus largement en travail présentiel. Pour ce faire, l’employeur et le comité d’entreprise allemand (Betriebsrat) ont tenté des mois durant de s’entendre sur de nouvelles modalités de travail. Toutefois, en l’absence d’accord entre les parties, la direction de la société prend la décision, sans la concertation du comité d’entreprise, dès le début du mois d’avril 2023, d’introduire une nouvelle obligation de présence des salariés dans les bureaux.
Litige
Dès lors, le comité d’entreprise introduit une demande en référé à l’encontre de la société devant le tribunal du travail. Il soutient d’une part que les nouvelles règles prises par l’employeur risquent de conduire à un travail à 100 % en présentiel dans les faits. D’autre part, il fait valoir que l’introduction de ces règles était soumise à la codécision entre le comité d’entreprise et l’employeur.
Sur le premier point, l’employeur précise qu’il fonde sa décision sur l’accord d’entreprise pris en 2016 mentionnant la possibilité de télétravailler à condition que les supérieurs du demandeur l’acceptent et que la majeure partie du temps de travail soit effectuée sur le site de l’entreprise.
L’entreprise n’exigeant plus que 4 jours de travail présentiel nommées « Teamdays », elle dit proposer des conditions encore plus souples à ses salariés que ce qu’elle proposait jusqu’alors.
Ceci n’est toutefois pas la position du comité d’entreprise qui précise la liberté absolue actuelle des salariés quant à leur lieu de travail. Il s’inquiète du fait que le passage en distanciel soit désormais pleinement subordonné à un pouvoir arbitraire de tous les supérieurs hiérarchiques. Par ailleurs, les supérieurs hiérarchiques seraient en mesure d’ordonner des jours de présence supplémentaires en entreprise sur le simple fondement qu’ils les estiment nécessaires.
En second lieu, un débat a lieu sur la question de savoir si l’établissement de nouvelles règles sur les modalités de lieu de travail aurait dû être soumis à la codécision du comité d’entreprise.
La question qui s’est posée est de savoir si l’implémentation d’un droit à un nombre de jours de télétravail en droit allemand est une question de mise en œuvre ou une question de modalités d’application. En effet, alors que l’employeur dispose d’un droit de direction sur ses salariés, il peut décider d’autoriser ou non le télétravail sans aucun droit de participation à la décision par les représentants du personnel.
En revanche, en ce qui concerne les modalités d’application desdites règles (si l’employeur autorise le télétravail), elles sont soumises à un droit de codécision du comité d’entreprise conformément aux dispositions légales applicables en Allemagne.
Décision
Le tribunal estime que l’établissement de règles sur le nombre de jours de présence obligatoire en entreprise est une question d’organisation du travail, et donc non-soumis à la codécision du comité d’entreprise. Par voie de conséquence, le règlement adopté unilatéralement par l’employeur sur les conditions de travail de ses salariés est licite. Par une règle soumettant l’activité de télétravail à l’approbation de la hiérarchie de l’entreprise concernée, la décision témoigne d’un possible retour progressif au bureau. Le comité d’entreprise de la société a toutefois immédiatement annoncé son intention d’interjeter appel de la décision.
Sur la base de cette décision, l’employeur peut maintenant plus facilement demander le retour (partiel) au bureau s’il l’estime nécessaire.
08.05.2023