Update : Prêt de main-d’œuvre par une société étrangère en Allemagne
La plus haute juridiction du travail a censuré l’arrêt d’appel que nous avions commenté dans notre article « Prêt de main d'œuvre illicite par une société étrangère en Allemagne » il y a quelques mois.
Rappel des faits
En l’espèce, un salarié de droit français a été détaché par une société française (société prêteuse) pour travailler au sein d’une entreprise allemande (société utilisatrice) du 1er octobre 2014 au 30 avril 2016. L’employeur français n'a pas demandé l’autorisation requise auprès de l'Agence fédérale pour l'emploi (Bundesagentur für Arbeit) avant de faire intervenir cette salariée auprès d’un client allemand, dans le cadre d’un prêt de main d’œuvre.
Or, en principe, selon les §§ 9 et 10 de la loi sur la mise à disposition de salariés allemande (Arbeitnehmerüberlassungsgesetz, AÜG), une relation de travail est établie entre la société utilisatrice et le salarié prêté lorsque la mise à disposition n’a pas donné lieu à une autorisation préalable.
Le salarié faisait par conséquent valoir qu'une relation de travail était établie avec la société allemande.
Décision
Le Tribunal du travail régional de Bade-Wurtemberg avait jugé en deuxième instance qu’une relation de travail a de facto été établie entre le salarié prêté et la société allemande, en raison de la nullité du contrat de mise à disposition entre les deux sociétés.
Dans sa décision du 26 avril 2022 , la Cour fédérale du travail censure cette décision (9 AZR 228/21).
Elle estime que dès lors que la relation de travail intérimaire est régie par le droit d'un autre Etat de l'Union européenne, en l'occurrence le droit français, les §§ 9 et 10 de l'AÜG ne priment pas sur le droit français. Ces dispositions ne sont pas non plus impératives.
Par conséquent, la salariée ne peut pas faire valoir l’existence d’un contrat à durée indéterminée avec la société allemande et ni donc de droit à rémunération envers cette dernière.
Recommandations pratiques
- Cette décision n'a pas d'effet majeur sur les entreprises françaises qui mettent à disposition leurs salariés à des entreprises allemandes : dans son communiqué de presse, la Cour fédérale du travail a souligné que les autres sanctions s'appliquent néanmoins en cas d'absence d'autorisation préalable, à savoir p. ex. des amendes pouvant aller jusqu’à 30.000 EUR ;
- Il convient donc néanmoins de demander une autorisation préalable pour faire intervenir vos salariés auprès de vos clients allemands dans le cadre d’un prêt de main d’œuvre.
13.05.2022