Procédures collectives en Allemagne : Possible nullité de paiements d’une société surendettée
Un arrêt récent du BGH (Bundesgerichtshof, Cour de cassation allemande) en date du 3 mars 2022 retient que le surendettement d’une société débitrice peut être le signe d’une intention de porter préjudice à un créancier, lorsqu’elle rembourse un autre créancier de manière préférentielle. Or en cas de procédure collective, les paiements effectués avec cette intention de nuire peuvent être annulés par le liquidateur (cf. notre article Les actions en nullité de paiements d’une GmbH allemande en situation d’insolvabilité ou surendettement).
-
Le surendettement en droit des procédures collectives allemand
Le rôle du surendettement constitue une particularité du droit des procédures collectives allemand, que l’on ne retrouve pas en droit français et dont l’importance dans la pratique vient ainsi d’être renforcée par l’arrêt étudié.
En simplifiant légèrement, il peut être considéré qu’une société dont le bilan fait état d’un endettement dépassant la valeur de ses actifs est surendettée au sens du droit allemand, si elle n’a pas de perspective de continuité. En Allemagne, ce surendettement aura pour conséquence l’obligation légale faite au dirigeant de déposer le bilan de sa société (cf. notre article Le surendettement de votre filiale allemande après la crise de covid-19).
-
La jurisprudence récente quant à l’action en annulation de paiements effectués avec intention de nuire
Par son désormais célèbre arrêt du 6.5.2021 (IX ZR 72/20), le BGH avait entrepris de circonscrire les conditions subjectives de l’action en nullité de la période suspecte en raison de l’intention d’un débiteur de porter préjudice à un créancier (para. 133 InsO, Insolvenzordnung – Code des procédures collectives allemand). Selon cette jurisprudence, le liquidateur ne peut intenter une action en nullité d’un paiement (ou de tout autre acte juridique qui soustrait des actifs à la masse) au seul motif qu’il était connu que le débiteur était insolvable au moment du paiement. Depuis cet arrêt, la démonstration de l’intention du débiteur de nuire à ses créanciers suppose en outre sa connaissance ou son acceptation, lors du paiement préférentiel, de ne pas être ultérieurement en mesure de désintéresser complètement ses autres créanciers. De surcroît, le créancier bénéficiaire du paiement doit avoir le même niveau de connaissance, qui doit être déterminée en fonction des circonstances objectives connues des parties.
Cette intention du débiteur insolvable de nuire à ses créanciers, condition de mise en œuvre de l’action en nullité du paiement, peut être constatée sur la base d’un faisceau d’indices. Parmi ces indices figurent notamment l’indication expresse du débiteur de ne pas être en mesure de payer par manque de liquidité, ou encore l’octroi d'un avantage particulier à un créancier. Toutefois, la liste des indices élaborée par le BGH n'est pas exhaustive.
-
La portée de l’arrêt du 3 mars 2022
Jusqu'à récemment, un débat persistait encore au sein de la doctrine allemande quant à la possibilité de considérer la connaissance par les deux parties (créancier et débiteur) du surendettement du débiteur comme un élément de preuve démontrant l’intention de nuire de ce dernier, et pouvant donc justifier une action en annulation. C’est en ce sens ce qu'a récemment tranché la Cour fédérale de justice dans son arrêt du 3 mars 2022 :
Le surendettement de la société débitrice est ainsi retenu comme un indice de preuve autonome de l'intention du débiteur de nuire aux créanciers, de même que de la connaissance de cette intention par le bénéficiaire du paiement. La force de cet indice dépend de la probabilité avec laquelle le surendettement existant laisse présager la survenance de la cessation de paiement du débiteur, et à quelle échéance.
Cette nouvelle jurisprudence vient donc augmenter significativement le risque de voir les paiements effectués par une société surendettée frappés par une action en nullité du liquidateur.
Des questions ? Contactez-nous
17.05.2022