Allemagne : Invalidité du licenciement d’un footballeur professionnel
Le club de football allemand de première division (1. Bundesliga), FSV Mayence 05, a perdu en appel contre son ancien joueur Anwar El Ghazi. Le licenciement extraordinaire et sans préavis, fondé sur des publications perçues comme anti-israéliennes sur les réseaux sociaux, demeure ainsi sans effet.
Faits
Après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, El Ghazi avait partagé plusieurs messages à teneur propalestinienne, dont l’un, publié le 10 octobre 2023, comportait le slogan contesté « From the river to the sea, Palestine will be free ». Ce slogan donne lieu à diverses interprétations. Le joueur l’a rapidement supprimé.
Le 17 octobre 2023, un entretien personnel a eu lieu entre El Ghazi et le conseil d’administration du club, à l’issue duquel le joueur a été temporairement dispensé.
Dans un communiqué de presse du 30 octobre 2023, le club a publié un « avertissement » au joueur et annonçait sa réintégration prochaine au sein de l’équipe.
Après une nouvelle publication le 1er novembre 2023, dans laquelle El Ghazi indiquait ne pas vouloir se distancier de ses propos antérieurs (sans toutefois répéter le slogan initial), le club a décidé de résilier le contrat avec effet immédiat. El Ghazi a contesté le licenciement devant les juridictions du travail.
Décision
Le Tribunal supérieur du travail (Landesarbeitsgericht) Rheinland-Pfalz a, par jugement du 12 novembre 2025 (3 SLa 254/24), confirmé la décision de première instance et jugé la rupture immédiate injustifiée.
Un motif de licenciement pour faute grave au sens de l’article 626 BGB peut résulter non seulement de la violation des obligations principales du contrat de travail, mais aussi d’une violation fautive des obligations accessoires, notamment le devoir de loyauté et de respect des intérêts légitimes de l’autre partie, y compris dans la sphère extraprofessionnelle, par exemple à travers des prises de position sur les réseaux sociaux.
Toutefois, en l’espèce, le tribunal constate que le club, dans son communiqué de presse du 30 octobre 2023, avait expressément renoncé à tout licenciement. Ce renoncement ressort clairement de la volonté, exprimée publiquement et portée à la connaissance du joueur, de privilégier d’autres mesures comme l’avertissement.
La publication ultérieure du 1er novembre 2023 n’était, selon le tribunal, pas suffisante pour justifier une rupture immédiate, étant donné qu'elle était couverte par la liberté d’expression du joueur.
En conséquence, le club a été condamné à verser au joueur notamment les rappels de salaire pendant la durée de la procédure.
Conseils pratiques
- Un licenciement pour motif disciplinaire doit généralement constituer l’ultime recours (« ultima ratio »). En règle générale, un avertissement préalable (Abmahnung) est requis avant de pouvoir procéder à un licenciement.
- L’affaire en question illustre qu’un comportement déjà sanctionné par un avertissement ne peut plus servir ultérieurement de fondement à un licenciement disciplinaire. Le fait est ainsi considéré comme « épuisé ». Pour qu’un licenciement soit ultérieurement justifié, il faut que le salarié commette à nouveau la même violation ou une violation comparable de ses obligations.
- Dans certaines situations exceptionnelles, un licenciement sans avertissement préalable peut être justifié (notamment en cas de faute grave). Toutefois, l’existence de telles circonstances doit toujours faire l’objet d’une appréciation au cas par cas.
25.11.2025