CDD sans motif : La « règle des 3 ans » est obsolète
En droit du travail allemand, il est possible de conclure un CDD sans motif particulier, dans la limite de 24 mois et de 3 renouvellements (sachgrundlose Befristung).
La loi allemande exclut toutefois le recours à ce type de CDD lorsque les parties ont déjà été liées par un contrat de travail par le passé. Cette interdiction de réembauche a été nuancée par la jurisprudence qui l’a encadrée dans le temps : depuis 2011, la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht), plus haute juridiction sociale, estimait que dès lors que l’emploi précédent datait de plus de 3 ans, l’embauche en CDD sans motif redevenait possible.
En juin 2018, la Cour constitutionnelle (Bundesverfassungsgericht) a toutefois estimé que cette « règle des 3 ans » est inconstitutionnelle, car elle ne pas reflèterait pas la volonté du législateur. La limitation à 3 années minimum a alors été remplacée par la notion de « lointain passé » (vor längerer Zeit) (BVerfG, v. 6.6.2018).
Conformément à cette décision de la Cour constitutionnelle, la Cour fédérale du travail vient d’enterrer définitivement sa jurisprudence passée, la « règle des 3 ans », et renforce ainsi l’interdiction de recourir à ce type de CDD lorsque le candidat a déjà travaillé dans l’entreprise par le passé. En l’espèce, elle était confrontée à une demande de requalification d’un CDD sans motif en contrat de travail à durée indéterminée, le salarié faisant valoir qu’il avait été employé par le même employeur huit ans auparavant, pendant environ un an et demi, à des fonctions similaires. La Cour fédérale du travail, tout comme l’avaient fait les juridictions de première instance et d’appel, a donné raison au salarié (BAG v. 23.1.2019 - 7 AZR 733/16).
L’employeur n’a pas pu faire valoir la non-rétroactivité de la jurisprudence constitutionnelle et se prévaloir du fait qu’il avait conclu le CDD sans motif sous l’empire de l’ancienne jurisprudence de la Cour fédérale du travail, qui tolérait alors une réembauche dès lors que la première remontait à plus de trois ans.
Cette décision n’est pas sans conséquence pour les entreprises ayant recours à cette possibilité de CDD sans motif : elle signifie que les juridictions de premier instance et d’appel devront accéder à toute demande de requalification d’un CDD sans motif, dès lors que le salarié a déjà été employé par l’entreprise par le passé, ce même si cet emploi remonte à plus de trois ans et que le CDD sans motif a été conclu sous l’empire de la « règle des 3 ans ».
Les employeurs ne pourront pas se prévaloir des principes de sécurité juridique et de confiance légitime dans la règle de droit.
La décision confirme néanmoins qu’une embauche en CDD sans motif devrait rester possible, dès lors que l’emploi précédent était tout-à-fait différent, qu’il était très court ou encore qu’il remonte à un « lointain passé », les contours de cette notion n’étant pour l’heure pas définis. En tout état de cause, on peut déduire de la décision de la Cour fédérale de janvier 2019 qu’une durée de 8 ans n’est pas suffisante pour ouvrir la possibilité de renouer les relations contractuelles par un CDD non motivé.
Recommandation pratique : Soyez très vigilant quant à la conclusion d’un CDD sans motif, dès lors que le candidat a déjà travaillé pour votre société par le passé. Pour les CDD sans motif en cours, vérifiez, dès lors que le salarié a déjà été lié par le passé à votre société, si la limitation de durée peut être « sauvée », soit car vous pouvez démontrer l’existence d’un motif prévu par la loi, soit car vous vous trouvez dans l’un des cas d’exception prévu par la jurisprudence.
11.02.2019