Fusions de sociétés de capitaux allemandes
La fusion constitue une forme importante de réorganisation d'entreprise, favorisant tant la croissance économique que la concentration des sociétés, afin notamment d’optimiser inconvénients de coûts liés à des structures organisationnelles peu favorables.
Outre sa pertinence nationale, les opérations de fusion acquièrent une importance transfrontalière croissante en raison de l’harmonisation progressive du droit européen des sociétés de capitaux.
En Allemagne, les règles relatives aux fusions sont régies par la loi sur la transformation des sociétés (Umwandlungsgesetz, « UmwG », §§ 2 et suivants), dont les principales dispositions sont résumées ci-après.
1 Quelles formes sociales peuvent fusionner ?
2 Quelles formes de fusion sont possibles ?
3 Points d’attention lors des fusions
4 Aperçu du déroulement d'une Fusion
i Phase de planification
ii Phase préparatoire
iii Phase de décision
iv Phase d’exécution
Conformément à l’article 3, alinéa 1, de l’UmwG, seules les entités juridiques suivantes peuvent participer à une fusion :
- Les sociétés civiles enregistrées (Gesellschaften bürgerlichen Rechts, GbR), les sociétés de personnes commerciales (sociétés en nom collectif – OHG, sociétés en commandite simple – KG) et les sociétés de partenaires (Partnerschaftsgesellschaften) ;
- Les sociétés de capitaux (sociétés à responsabilité limitée – GmbH, sociétés anonymes – AG, sociétés en commandite par actions – KGaA) ; pour plus d'informations sur les sociétés de capitaux en Allemagne ;
- Les coopératives enregistrées ;
- Les associations enregistrées (art. 21 du Code civil allemand – BGB) ;
- Les associations d’audit coopératives ;
- Les sociétés d’assurance mutuelle.
Dans ce qui suit, nous nous limiterons à la présentation de la fusion de GmbH, étant donné qu’elle est la forme la plus répandue dans la pratique commerciale.
Fusion par absorption : Dans ce type de fusion, une GmbH existante reprend l’actif et le passif d’une autre GmbH. La société absorbée est dissoute juridiquement, sans procédure de liquidation. Les associés de la société absorbée deviennent généralement associés de la société absorbante.
Fusion par constitution d’une nouvelle société : Deux ou plusieurs GmbH fusionnent et créent une nouvelle GmbH. L'ensemble des actifs et des passifs des sociétés concernées est transféré à la nouvelle société, et les sociétés parties à la fusion sont dissoutes lors de l’opération.
La planification d’une fusion nécessite avant tout de déterminer la direction de l’opération, ce choix dépendant des objectifs et motifs de la société :
La fusion par absorption d’une filiale par sa société mère (fusion « ascendante » ou « upstream merger ») est la forme la plus courante de fusion intragroupe. Elle vise principalement à réduire les coûts administratifs et structurels liés à des structures multi-niveaux, tels que les frais de gestion, de clôture ou de contrôle, et à regrouper les actionnaires minoritaires à un niveau supérieur.
Dans certains cas, il peut être intéressant de faire fusionner la société mère et la filiale, par absorbtion de la société mère (fusion « descendante » ou « downstream merger »), par exemple pour imputer fiscalement les pertes de la filiale ou, lors d’une acquisition financée par emprunt, pour transférer le prêt d’acquisition à la société cible, ce qui permet de compenser les intérêts d’emprunt par ses flux de trésorerie positifs (principe du « debt push down »).
La fusion de sociétés sœurs ou de filiales de second rang (fusion dite « sidestream ») est également possible.
Une particularité du droit allemand, qui n’existe pas en droit français, tient à l’obligation de faire authentifier la fusion par un notaire.
Il convient également de noter que la dissolution anticipée d’une société par décisions de l’associée unique n’existe pas en droit allemand. En effet le droit français permet aux sociétés, dont les actions ou parts sociales sont détenues en intégralité par un associée unique personne morale, de procéder à une dissolution sans liquidation, par décisions de l’associée unique (article 1844-5 alinéa 3 Code civil). Cette dissolution anticipée emporte transmission universelle de patrimoine au profit de l’associée unique, également couramment appelée « TUP ». Ainsi, après réalisation des formalités de publicité de la dissolution et une fois le délai d’opposition des créanciers de 30 jours écoulé et à condition qu’aucune opposition n’ait été soulevée, la société est dissoute et par conséquent la totalité de son actif et de son passif (à l’exception des contrats conclus intuitu personae) est transmis à l’associée unique.
Conseil pratique Afin d'assurer la neutralité fiscale de la fusion, il est vivement recommandé d’intégrer un conseil fiscal dès le début du projet de fusion.
En droit allemand, le déroulement d’une fusion est régi essentiellement par l’article 17, alinéa 2, UmwG, qui impose d’annexer à la demande d’inscription au registre du commerce le bilan de clôture de la société absorbée, arrêté à une date ne remontant pas à plus de huit mois avant la demande, sous peine de refus d’inscription et donc d’inexécution de la fusion.
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Selon une récente décision de la Cour fédérale de justice allemande (BGH, décision du 18 mars 2025 – II ZB 1/24), il est désormais possible de transmettre ultérieurement ce bilan de clôture, à condition que cela survienne rapidement après le dépôt de la demande, indépendamment du fait que le bilan ait ou non déjà été établi au moment du dépôt. Le BGH considère qu’un délai d’un mois fixé par le registre est approprié.
Le processus de fusion se divise en quatre phases :
Dès la décision de principe d’opérer la fusion, il convient, en tenant compte du délai de huit mois, d’établir un calendrier en coordination avec les conseillers, les commissaires aux comptes et les notaires, le point de départ étant en général le bilan de clôture de la société absorbée à la fin de l’exercice comptable.
Il s’agit d'établir en premier lieu le bilan de clôture de la société absorbée, qui fera l’objet, si nécessaire, d’un audit.
Une évaluation précise des entreprises concernées est ensuite requise, afin de déterminer la parité d’échange des parts sociales.
- Projet de traité de fusion
Les projets de traité de fusion et de rapport de fusion sont alors rédigés. L’article 5, alinéa 1, points 1 à 9 UmwG énumère les mentions minimales exigées, d’ordre soit réglementaire, soit descriptif. Les éléments essentiels sont :
- Parité d’échange
La partie essentielle du traité de fusion est de fixer le nombre de parts de la société absorbante attribuées aux associés de la société absorbée. Cette parité dépend de la valeur respective des entités fusionnées.
- Date d'effet de la fusion
Il faut aussi définir la date à partir de laquelle les opérations de la société absorbée sont réputées, dans les relations internes, accomplies au nom et pour le compte de la société absorbante.
- Questions relatives aux salariés
Le traité de fusion doit préciser les modifications en droit du travail individuel et collectif induites par la fusion. Point essentiel : la société absorbante est subrogée de plein droit dans les contrats de travail (art. 35, al. 2, UmwG, en lien avec l’art. 613a, al. 1, phrase 1, BGB). De plus, conformément à l’art. 5, al. 3, UmwG, le traité de fusion doit être transmis au comité d’entreprise au moins un mois avant la décision de fusion.
- Parité d’échange
Le traité de fusion peut déjà être authentifié par acte notarié à ce stade (art. 6 UmwG), sous réserve que le résultat du vote des assemblées soit déjà acquis (voir ci-après). À défaut, il est possible de ne voter à ce stade que sur un projet de traité et de procéder à l’authentification ultérieurement.
- Rapport de fusion
Les organes dirigeants (à savoir pour une GmbH, le ou les gérants) doivent présenter un rapport de fusion expliquant le traité aux associés des sociétés concernées. Le rapport peut être écarté si tous les associés y renoncent expressément (art. 8, al. 3, UmwG).
- Rapport d’expert indépendant (contrôle de la fusion)
Pour les sociétés anonymes, une vérification indépendante par un commissaire à la fusion est obligatoire, sauf renoncement à l’unanimité par tous les associés. Pour les GmbH et les sociétés de personnes, ce contrôle n’est en principe pas requis, sauf demande expresse d’un associé dans un délai imparti.
- Convocation des associés
En cas de fusion entre deux GmbH, les associés doivent être convoqués à l’assemblée générale sur l’ordre du jour « fusion ». Le projet de traité et, si les associés n’y ont pas renoncé, le rapport de fusion, doivent être joints à la convocation.
- Décision d’approbation
Les associés doivent approuver le traité de fusion déjà authentifié. En règle générale, la majorité requise dans une GmbH est de ¾ des voix exprimées. Si le capital social de la GmbH absorbante n’a pas été intégralement libéré, , l’unanimité est exigée.
- Augmentation de capital
Les associés de la GmbH absorbée reçoivent en principe, en compensation, des parts de la GmbH absorbante. La création de ces parts a généralement lieu concomitamment à la décision d’approbation, via une résolution d’augmentation de capital, ce qui permet d’effectuer la fusion sous forme d’apport en nature.
- Authentification notariale
La décision de fusion (si l’authentification n’avait pas encore été réalisée pour des questions de coûts) et, le cas échéant, les déclarations d’acceptation individuelles des associés relatives au traité de fusion, doivent être authentifiées par acte notarié.
- Dépôt de la demande d’inscription (et augmentation de capital le cas échéant)
Après la phase de décision, les gérants des GmbH doivent inscrire la fusion au registre du commerce. Si l’absorbante procède à une augmentation de capital, celle-ci doit impérativement être inscrite avant la fusion (art. 53, 66 UmwG).
- Inscription au registre du commerce
Elle est réalisée dans un premier temps dans le registre de la société absorbée, puis dans celui de la société absorbante (art. 19, al. 1, UmwG). L’opération devient effective uniquement avec l’inscription auprès de la société absorbante ; la transmission universelle des droits et obligations n’intervient qu'à ce moment. Dès lors, l'ensemble des contrats conclus avec des tiers par la société absorbée est transféré à la société absorbante, sans accord préalable des cocontractants.
10.07.2025