La protection des lanceurs d’alerte en Allemagne
La loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (Hinweisgeberschutzgesetz = HinSchG) est entrée en vigueur le 2 juillet 2023. Cette loi a transposé en droit national, avec beaucoup de retard en raison des discussions et des retards dans le processus législatif, la directive européenne sur les lanceurs d'alerte.
La directive et la loi ont pour objectif de garantir et d’améliorer la protection des lanceurs d'alerte en créant des moyens efficaces et confidentiels de signaler les violations de la loi et en visant à protéger les lanceurs d'alerte contre d’éventuelles représailles.
Depuis juillet, l'Allemagne dispose ainsi pour la première fois d'un droit codifié en matière d’alertes, alors qu'il n'existait auparavant que des réglementations individuelles spécifiques à chaque secteur.
Sommaire
- Champ d'application
- Mise en place de services de signalement internes
- Procédure relative aux signalements internes
- Les 6 étapes à suivre après réception d'un signalement
- Interdiction de représailles
- Possibilité d'un service de signalement interne centralisé au niveau du groupe
1 Champ d'application
D'un point de vue matériel, la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte va nettement au-delà des dispositions du droit de l'UE en ce sens qu'elle intègre plusieurs domaines juridiques qui ne sont pas couverts par la directive européenne. Alors que la directive régit principalement la notification des infractions au droit de l'UE (telles que les infractions aux dispositions contre le blanchiment d'argent, relatives à la sécurité des produits ou à la protection des consommateurs - c'est-à-dire dans des domaines relevant de la compétence législative de l'UE), la loi allemande de transposition va encore plus loin. Elle s'applique en outre aux infractions à certaines dispositions légales nationales, à savoir, d'une part, les infractions passibles de sanctions pénales et, d'autre part, les infractions passibles d'amendes administratives, dans la mesure où la disposition enfreinte vise à protéger la vie, l'intégrité physique ou la santé, ou à protéger les droits des salariés et de leurs organes de représentation. Cela inclut ainsi, par exemple, les violations de l'obligation d'accorder le salaire minimum ou les violations de l'obligation d'informer et de renseigner les représentants du personnel.
La loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) protège les personnes physiques qui ont obtenu des informations sur de telles violations dans le cadre de leur activité professionnelle ou préalablement à celle-ci. Cette protection s’étend à tous les employés, mais également, par exemple, aux candidats à l'embauche ou aux employés ayant déjà quitté l'entreprise, ou encore aux détenteurs de parts sociales, aux mandataires sociaux et aux sous-traitants. Sont également protégées les personnes qui soutiennent le lanceur d’alerte ou les personnes morales ou physiques qui ont des liens étroits avec le lanceur d’alerte, à titre privé ou professionnel.
2 Les entreprises doivent agir : mise en place de services de signalement internes
Les entreprises doivent agir directement en mettant en place des services de signalement internes permettant aux salariés de signaler en toute confidentialité des informations sur d'éventuelles violations.
Les entreprises de 50 salariés et plus sont désormais soumises à l’obligation de mettre en place de telles services de signalement internes . Le défaut de mise en place d’un tel système est passible d'une amende administrative (pour toutes les entreprises de 50 salariés et plus). Les amendes peuvent aller jusqu'à 20 000 euros.
Les employeurs doivent donc impérativement veiller à mettre en place et à gérer au moins un service auquel les salariés peuvent s'adresser pour signaler des infractions (éventuelles) à la loi. Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), la loi allemande relative à la protection des données (Bundesdatenschutzgesetz, BDSG) et les règles de confidentialité de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) doivent notamment être respectés. Le § 8 de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) oblige le service de signalement, sous peine d'amende, à respecter une stricte confidentialité quant à l'identité des lanceurs d’alerte, des personnes faisant l'objet du signalement ainsi que d'autres personnes, par exemple des témoins potentiels.
Étant donné que la mise en place d'un service de signalement interne est liée, en particulier pour les petites entreprises, à un investissement important d’un point de vue technique, financier et humain, le législateur a expressément prévu, au § 14, al. 1, phr. 1 de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG), la possibilité pour les employeurs de confier la gestion du service de signalement interne à un tiers. Les tiers cités dans l'exposé des motifs de la loi sont des conseillers externes, des auditeurs, des délégués syndicaux, des représentants du personnel ou, en particulier, des avocat.e.s.
L'externalisation est très appréciée dans la pratique - les avocat.e.s, en particulier, sont de préférence chargés d’intervenir en tant que service de signalement interne pour les entreprises. Cette solution est particulièrement recommandée pour la raison que les avocat.e.s connaissent déjà les entreprises en raison de leurs conseils - le plus souvent en droit (du travail) - et peuvent donc agir de manière appropriée et ciblée. Il n'y a pas non plus lieu de craindre que les avocat.e.s se retrouvent dans une situation de conflit d'intérêts, puisqu'ils agissent explicitement en tant que service de signalement sans que cela ne constitue un contrat de mandat.
Notons à cet égard que les salariés peuvent également s'adresser directement à un service de signalement externe. En Allemagne, un tel service de signalement externe a été mis en place auprès de l'Office fédéral de la Justice (Bundesamt für Justiz). Les deux canaux de signalement sont en principe équivalents ; une tentative de réparation n’est pas obligatoire au sein de l'entreprise. Les services de signalement externes ont, pour ainsi dire, vocation à constituer une sorte d'autorité professionnelle en matière d’alerte et servir d'interface entre le lanceur d'alerte et les autorités d'enquête publiques.
Cela incite les entreprises à mettre à la disposition de leurs salariés, dans leur propre intérêt, un système d'alerte aussi accessible et fiable que possible afin de prévenir de tels signalements externes. Indépendamment de la taille de l'entreprise, il est recommandé de mettre en place des mesures appropriées pour protéger efficacement les lanceurs d'alerte, afin d'être informé à temps de cas de violation de la loi ou d’abus et de pouvoir y remédier au sein de l'entreprise et ainsi d'éviter, dans la mesure du possible, d'éventuels discrédits.
3 Procédure relative aux signalements internes
Dès qu'un service de signalement interne reçoit un signalement, il est tenu d’en accuser réception dans un délai de sept jours. Le service de signalement vérifie ensuite si le signalement entre dans le champ d’application de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) et s'il est pertinent. Une fois l'examen terminé, le service de signalement prend contact avec la personne et lui demande - si nécessaire - des informations supplémentaires. Dès qu'elle dispose de toutes les informations, elle peut, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires et appropriées. Selon les faits, elle peut ouvrir des enquêtes internes ou transférer la procédure aux autorités ou organismes compétents afin qu'ils poursuivent les investigations. Elle doit recontacter le lanceur d'alerte et l'informer des mesures prévues ou déjà prises dans un délai maximum de trois mois (ou trois mois et sept jours après la réception du signalement).
4 Les 6 étapes à suivre après réception d'un signalement :
- Dans les 7 jours : confirmation de la réception du signalement par le service interne de signalement.
- Examen de la question de savoir si l'infraction relève du champ d'application de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG).
- Maintien du contact avec le lanceur d'alerte.
- Vérification de la pertinence du signalement reçu.
- Le cas échéant, demande d'informations complémentaires en rapport avec le signalement.
- Dans un délai de 3 mois ou de 3 mois et 7 jours après la confirmation de réception du signalement : retour d'information au lanceur d'alerte. Le retour d'information comprend la communication des mesures prévues et déjà prises, ainsi que les raisons de ces mesures.
Il est recommandé de mettre en place un canal de signalement numérique et de faire appel à un médiateur externe pour recevoir et traiter les informations en toute confiance.
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5 Interdiction de représailles
Le point central de la nouvelle loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) est l'interdiction des représailles. Les lanceurs d'alerte doivent être entièrement protégés contre les préjudices et les représailles infligés, contre de telles menaces ou tentatives en raison d'un comportement protégé. Toutefois, cette protection ne peut être invoquée que par les personnes qui, au moment de la signalisation ou de la divulgation des faits, avaient des raisons suffisantes de croire que les informations communiquées ou divulguées étaient exactes. Si cette condition est remplie, toutes représailles contre le lanceur d'alerte sont interdites. Le terme « représailles » est entendu de manière très large et vise par exemple des mesures telles qu’un licenciement et un relèvement des fonctions, mais également toutes les mesures similaires, telles que le refus d'une promotion ou un changement de lieu de travail ou de poste.
Un élément essentiel est que la loi prévoit un renversement de la charge de la preuve à cet égard. Si le lanceur d'alerte subit un désavantage professionnel à la suite d'un signalement, il est présumé que celui-ci constitue des représailles interdites. Il incombe alors à l'employeur de prouver que cette mesure désavantageuse est valablement fondée et que celle-ci n’a aucun rapport avec l’alerte.
Pour pouvoir rapporter cette preuve, il sera encore plus important à l'avenir que les employeurs documentent de manière encore plus détaillée et minutieuse les motifs d'une mesure relative au personnel. Il est également conseillé de veiller à ce qu'il y ait une séparation claire entre les services chargés de recevoir et de traiter les signalements et les responsables des ressources humaines, afin de pouvoir démontrer, en cas de doute, que le service qui a par exemple prononcé un licenciement n'avait pas connaissance du signalement préalable et que ces deux événements ne sont pas liés. Dans ce contexte, il est recommandé de charger des médiateurs externes de recevoir les informations et d’éclaircir les faits à l’origine des signalements.
6 Possibilité d'un service de signalement interne centralisé au niveau du groupe
Il existe un désaccord sur la question de savoir si un service de signalement centralisé au niveau du groupe est suffisant. La loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) soumet uniquement les personnes ayant la qualité d’employeur à l'obligation de mettre en place des services de signalement internes. Conformément au § 3, al. 9 de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG), l’employeur est toute personne physique, toute personne morale de droit public ou privé et toute société de personnes ainsi que toute autre association de personnes dotée de la capacité juridique qui emploie au moins une personne.
Certes, jusqu'à présent, les systèmes de gestion de la conformité et, par conséquent, les systèmes de signalement étaient organisés de manière centralisée au sein des groupes et des organisations matricielles. Il convient toutefois de noter que ni la directive ni la loi sur la protection des lanceurs d’alerte ne prévoient de privilège de groupe. La loi ne vise donc pas le groupe, mais l'entité juridique individuelle, de sorte que chaque entité juridique à partir de 50 salariés a en principe besoin d'un service de signalement autonome. Une externalisation totale vers la société mère du groupe n'est pas possible.
Il existe toutefois un allègement pour plusieurs employeurs occupant entre 50 et 249 personnes dans la mesure où le § 14, al. 2, phr. 1 de la loi allemande sur la protection des lanceurs d’alerte (HinSchG) leur permet de mettre en place et de gérer un service interne commun. L'obligation de mettre fin aux infractions et de fournir au lanceur d'alerte un retour d'information sur son signalement reste cependant à la charge de chaque employeur, § 14, al. 1, phr. 2, al. 2, phr. 2. Le législateur part du principe que les organismes locaux sont mieux à même d'évaluer, en raison de la proximité géographique, si les faits signalés relèvent effectivement du champ d'application de la loi et si le signalement est plausible. En outre, on présume que les salariés sont plus enclins à effectuer des signalements en cas d'existence d'un service local auquel ils peuvent s'adresser.
Rien ne s'oppose toutefois à ce qu'une seule et même personne soit désignée comme service tierce externe dans toutes les sociétés d'un groupe, afin de préserver les ressources.