Le licenciement d'un salarié en Allemagne
Sommaire
- Est-il difficile et/ou coûteux de licencier du personnel en Allemagne ?
- Existe-t-il des catégories de salariés protégés ?
- Quels sont les motifs de licenciement en Allemagne ?
- Existe-t-il des règles de droit allemand différentes du droit français spécifiques au licenciement pour motif économique ?
- Faut-il payer des indemnités de licenciement ?
- La procédure de licenciement en Allemagne est-elle comparable à celle en France ?
- Faut-il indiquer le motif de licenciement dans la lettre de licenciement ?
- Faut-il consulter le comité d’entreprise lors de la procédure de licenciement ?
- Quels sont les préavis à respecter ?
- Quel est le délai dont dispose un salarié pour contester son licenciement devant un juge ?
- Quelle est la procédure lors d’une action en contestation du licenciement ?
- Faut-il réintégrer le salarié en cas de licenciement injustifié constaté par le tribunal ?
1 Est-il difficile et/ou coûteux de licencier du personnel en Allemagne ?
NON (pour les petites structures) :
Contrairement au droit français, la loi sur la protection contre les licenciements (Kündigungsschutzgesetz) ne s’applique pas aux entreprises d’un effectif de 10 salariés ou moins (hormis les cas de protection particulière comme une grossesse etc.). Il en résulte qu’un licenciement peut être prononcé par une petite entreprise sans motif ni indemnité de rupture et ce, quelle que soit l’ancienneté du salarié ; la seule contrainte étant le versement du salaire au salarié pendant le délai de préavis (sauf cas particuliers comme la grossesse etc.).
Selon la jurisprudence allemande, le régime privilégié dont bénéficient les petites entreprises s’applique également aux sociétés françaises employant plus de 10 salariés en France mais qui ne dépassent pas le seuil de 10 sur le territoire allemand.
2 Existe-t-il des catégories de salariés protégés ?
OUI :
En France, comme en Allemagne, il existe une catégorie de salariés « protégés ».Les possibilités de licenciement à leur encontre sont limitées. Les salariés protégés sont les suivants :
- Femmes enceintes
- Personnes en congé parental
- Personnes gravement handicapées (leur licenciement est soumis à autorisation de l´autorité compétente)
- Membres du comité d’entreprise (Betriebsrat)
- Apprentis (Auszubildende)
- Délégués à la protection des données
3 Quels sont les motifs de licenciement en Allemagne ?
Si la loi sur la protection contre les licenciements s’applique (effectif de plus de 10 salariés), tout employeur doit justifier le licenciement d’un salarié par un des motifs suivants :
- Motif lié au comportement du salarié (« verhaltensbedingte Kündigung ») : par exemple en cas d’absences injustifiées, de retards répétés, d´une remise tardive du certificat médical. Un tel licenciement doit toujours être précédé d'un avertissement écrit adressé au salarié, car il s'agit d'une mesure disciplinaire.
- Motif inhérent à la personne du salarié (« personenbedingte Kündigung ») : la raison du licenciement doit être en lien avec les caractéristiques et/ou les capacités du salarié, par exemple la maladie, l’alcoolisme relevant d’une pathologie, ou encore l’interdiction d’exercer un emploi à défaut de permis spécial.
- Motif économique (« betriebsbedingte Kündigung ») : par exemple, en cas de restructuration de l’établissement, de rationalisation ou d’externalisation de certains services.
- Motif réel et sérieux/faute grave (« wichtiger Grund ») : ce mode de résiliation met fin à la relation de travail sans obligation de respecter un délai de préavis. Le licenciement peut intervenir du jour au lendemain, dans la mesure où la faute du salarié est tellement grave qu'elle empêche son maintien dans l'entreprise.
4 Existe-t-il des règles de droit allemand différentes du droit français spécifiques au licenciement pour motif économique ?
OUI :
Contrairement au droit français, le droit allemand n'exige pas que l´entreprise qui licencie pour motif économique ait connaissance des difficultés financières, ni même qu´elle ait procédé à une analyse de la situation financière au niveau du groupe. Il suffit simplement de présenter un plan de restructuration et de réorganisation pour justifier d´un motif économique.
Par ailleurs pour justifier le licenciement d´un salarié pour motif économique, l'employeur doit comparer les caractéristiques sociales de ce salarié avec celles des salariés exerçant une activité similaire (âge, ancienneté, obligations alimentaires à charge, handicap lourd).
5 Faut-il payer des indemnités de licenciement ?
OUI et NON :
Contrairement au droit français, le droit allemand ne prévoit pas d’indemnité de licenciement stricto sensu. Cependant, en pratique, les parties peuvent convenir d’un commun accord – souvent dans le cadre d’une transaction homologuée par le juge -, que le contrat de travail prend fin et que l’employeur verse une indemnité de licenciement. Son montant est généralement moins élevé qu’en France. Les juges ont pour habitude d’appliquer la formule suivante : 1 année d’ancienneté = ½ salaire mensuel brut.
Toutefois, il est important de souligner que l’employeur ne versera une telle indemnité que s’il craint une éventuelle annulation du licenciement par le juge faute de motif. Or sachant que, sauf cas exceptionnel, le licenciement prononcé par une société n’ayant pas plus de 10 salariés ne doit pas être motivé (cf. ci-dessus), le paiement d’une telle indemnité transactionnelle est très rare dans les petites entreprises. De ce fait, l’employeur ne sera tenu qu´au versement du salaire du au salarié pendant le délai de préavis, à l’exception de toute autre indemnité, ce qui rend les licenciements de droit allemand souvent peu couteux comparé au droit français.
6 La procédure de licenciement en Allemagne est-elle comparable à celle en France ?
NON :
Contrairement au droit français, le droit allemand ne connaît pas de vraie procédure de licenciement nécessitant un entretien préalable et l’envoi de courriers par lettre recommandée avec avis de réception. Habituellement, il suffit de remettre au salarié la lettre prononçant le licenciement. L’employeur devra cependant toujours veiller à être en mesure de prouver la réception du courrier de licenciement par le salarié.
7 Faut-il indiquer le motif de licenciement dans la lettre de licenciement ?
NON :
Le droit allemand n'oblige pas l'employeur à indiquer le motif de licenciement dans la lettre de licenciement. Il est même fortement déconseillé de l’indiquer pour ne pas restreindre le cadre du litige à un seul motif de licenciement lors d'une éventuelle action en contestation du licenciement devant le juge. Ceci constitue une différence fondamentale par rapport au droit du travail français, qui exige l’indication du ou des motifs de licenciement.
8 Faut-il consulter le comité d’entreprise lors de la procédure de licenciement ?
OUI :
Si l’entreprise dispose d’un comité d’entreprise (ce qui est possible à partir de 5 salariés), il faut obligatoirement le consulter avant tout licenciement à peine de nullité du licenciement. L’employeur doit informer le comité d’entreprise des motifs du licenciement. Si ce motif est économique, l´employeur doit également renseigner le comité d´entreprise sur les critères sociaux qui ont permis à l´employeur de déterminer son choix quant au licenciement du salarié en question.
Nonobstant, il ne faut pas que le comité d’entreprise approuve le licenciement. Il ne s’agit donc d’une pure information sans droit de veto.
Notons également que l’employeur en droit allemand n’est pas – contrairement au droit français – tenu d’organiser régulièrement l’élection des représentants du personnel.
9 Quels sont les préavis à respecter ?
Sauf stipulation contraire dans le contrat de travail ou dans une convention collective, l’employeur doit respecter les préavis légaux suivants :
Lorsque le salarié souhaite mettre un terme au contrat de travail, ce dernier doit respecter un délai de préavis fixe de 4 semaines (sauf convention contraire dans le contrat de travail). Ainsi, il est vivement conseillé à l´employeur de prévoir que le délai de préavis qui s'applique au salarié soit équivalent au délai de préavis prévu pour l’employeur. En effet, puisque les délais de préavis au cours des premières années d’ancienneté s’avèrent particulièrement courts et peuvent entraîner des difficultés pour le remplacement du salarié démissionnaire, il est recommandé de prévoir un délai de préavis minimum de 3 mois pour les deux parties.
10 Quel est le délai dont dispose un salarié pour contester son licenciement devant un juge ?
Contrairement au droit français, le délai de contestation du licenciement est assez court puisqu´il est de 3 semaines à compter de la réception de la lettre de licenciement. Après ce délai, ce licenciement est valide de sorte qu´il ne soit plus possible de le contester.
11 Quelle est la procédure lors d’une action en contestation du licenciement ?
Si le salarié licencié intente une action en contestation du licenciement (Kündigungsschutzklage) dans le délai de 3 semaines après la réception de la lettre de licenciement, la procédure de l´action en contestation du licenciement se déroule en deux étapes.
La première audience (l’audience de conciliation) a lieu devant un juge professionnel unique. Le but de cette audience est de trouver un accord entre le salarié et l’employeur. Le juge, qui a une bonne connaissance du dossier, met tout en œuvre pour convaincre les parties d’un accord transactionnel. Si les parties ne s’accordent pas pendant la première audience, une deuxième audience (l’audience de chambre) se déroule devant trois juges (un juge professionnel et deux juges non professionnels).
Contrairement au droit français, le salarié peut seulement demander la nullité du licenciement et la réintégration dans son poste. Ainsi, il n’est pas possible pour un salarié employé en Allemagne, de demander une indemnité de licenciement ou des dommages et intérêts.
12 Faut-il réintégrer le salarié en cas de licenciement injustifié constaté par le tribunal ?
OUI :
En principe, l’employeur est tenu de réintégrer le salarié au sein de l’entreprise si le tribunal constate que le licenciement est injustifié et donc nul. La réintégration du salarié constitue un risque majeur pour l’employeur. En effet, si le tribunal constate, après un an de procédure, que le licenciement était injustifié, l´employeur devra non seulement réintégrer le salarié dans l´entreprise, mais également lui verser le salaire qui lui aurait été du pendant toute la procédure de licenciement, alors même que le salarié n´a pas travaillé pendant cette période.
Cette issue engendre des coûts considérables et des difficultés organisationnelles internes pour l´employeur qu´il convient d´éviter. Pour ce faire, les parties s’accordent souvent sur une transaction homologuée par le juge mettant un terme au contrat et octroyant au salarié une indemnité de licenciement. Le montant de cette indemnité dépend principalement des chances de réussite du procès et donc de la motivation du licenciement.
01.01.2020