Licenciement économique et travailleurs temporaires en Allemagne
Selon un arrêt rendu le 2 septembre 2020 par la Cour d’appel en matière sociale (Landesarbeitsgericht) de Cologne, le licenciement d’un salarié pour motif économique en raison d’une réduction des effectifs est nul si l’employeur a eu recours à l’intérim de manière permanente peu avant ou concomitamment au licenciement .
Le litige en question concernait un fournisseur automobile employant 106 salariés. En raison d’une réduction de sa production et de l’excédent de personnel qui en résultait, la société avait prononcé un licenciement pour motif économique à l’encontre de cinq salariés. Or, au cours des deux années précédant le licenciement, l’employeur avait fait appel de manière régulière et constante à huit travailleurs temporaires. La société prétendait avoir recouru à l’intérim pour couvrir les absences du personnel, notamment en cas de maladie.
Les juges de première instance ont considéré que les travailleurs temporaires n’intervenaient pas pour un besoin ponctuel mais occupaient en réalité des postes vacants sur lesquels la société aurait dû faire intervenir ses propres salariés et ont annulé, en conséquence, le licenciement de ces derniers. Le fait d’avoir eu recours à l’intérim pour couvrir un volume de travail constant et non fluctuant vidait la restructuration menée de toute justification.
Cette position a été confirmée par la Cour d’appel de Cologne qui a également jugé qu’il existait bien, au moment de la prononciation des licenciements, un volume de travail permanent permettant de maintenir en poste les salariés visés par la mesure de licenciement.
En droit allemand, un licenciement n’est justifié que si l’employeur ne peut, en raison de la situation critique urgente, compenser la suppression des postes envisagée par d’autres mesures d’ordre technique, organisationnel ou économique permettant d’éviter le licenciement (règle du « ultima ratio »). L’employeur doit notamment avoir épuisé les possibilités de reclassement du salarié dans l’entreprise.
La question de savoir si le recours à l’intérim constitue un obstacle à une mesure de licenciement pour motif économique dépend de la situation concrète : si les travailleurs temporaires ont été sollicités pour couvrir des pics d’activité, il n’est pas possible de considérer qu’ils interviennent sur des postes permanents. Si, au contraire, ils sont intervenus pour faire face à un volume de travail constant et non fluctuant, la justification d’une suppression de poste s’en trouvera fortement affaiblie.
La Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht) n’ayant pas encore clairement défini les contours de la distinction entre le caractère temporaire ou permanent de l’intervention du travailleur intérimaire, la Cour d’appel de Cologne a admis le pourvoi en cassation contre son arrêt.
Conseil pratique
Dans l’attente de précisions futures, il convient de retenir que le recours aux contrats temporaires (intérim ou CDD) est susceptible de faire obstacle à un projet de restructuration s’il n’est pas possible de démontrer la nécessité d’y recourir pour faire face à un accroissement temporaire d’activité ou à des absences temporaires. A défaut, les licenciements économiques seront annulés et les salariés licenciés pourront obtenir leur réintégration dans l’entreprise.
23.11.2020