Magasin fermé et rouvert : le comité d'entreprise allemand perd son mandat
Dans une décision du 5 juin 2023, la Cour d’appel en matière sociale (Landesarbeitsgericht) de Munich a jugé que le comité d’établissement allemand (Betriebsrat) d’un magasin qui avait été fermé et rouvert à proximité n’était plus habilité à représenter les salariés.
Les faits
En décembre 2021, une grande entreprise de vêtements décidait de fermer un magasin situé dans le centre-ville de Ratisbonne. Par la suite, elle a négocié avec le Betriebsrat de ce site un accord d’équilibre des intérêts (Interessenausgleich) et un plan social. Le contrat de bail a été résilié avec effet au 31 décembre 2022. Le 27 octobre 2022, la société a ouvert un nouveau magasin à 1,1 km de l'ancien. Les salariés y ont élu leur propre Betriebsrat en novembre 2022. La fermeture de l'ancien magasin a eu lieu le 10 décembre 2022. Contrairement à ce qui avait été annoncé précédemment, seuls la direction de l’ancien magasin et deux chefs de service ont été repris dans le nouveau magasin.
Le litige
L'ancien Betriebsrat du magasin a fait valoir en justice que, compte tenu notamment de la proximité géographique, son pouvoir de représentation perdurait pour ce nouveau magasin. Il estimait que le nouveau magasin ne constituait pas un nouvel établissement distinct mais que l'ancien magasin avait simplement déménagé et que l'objectif de l'entité était maintenu, si bien qu’il y avait lieu de reprendre tous les salariés. Selon l’employeur, le nouveau magasin, situé à un endroit différent (centre commercial), poursuivait un objectif différent (autre concept, assortiment et design) et ni le personnel, ni les marchandises n’avaient été repris, de sorte que le pouvoir de représentation du comité d’établissement initial ne pouvait perdurer. En première instance, le tribunal avait fait droit aux demandes du Betriebsrat en estimant qu’il s’agissait d’une poursuite de l’activité et non pas d’une fermeture.
La décision
La Cour d’appel de Munich a donné raison à l'employeur en estimant que les deux sites étaient des établissements distincts ayant chacun leur propre personnel, leur propre direction et leur propre assortiment de produits. Le mandat ne pouvait donc pas être étendu au nouvel établissement, car l'ancien comité d'établissement serait alors imposé au nouveau magasin. Or, cela irait à l'encontre de l'objectif du comité d'établissement d'être un représentant du personnel spécifique à l'établissement. Même s’il était initialement prévu de reprendre les salariés et qu’un plan social avait été négocié avec la société, il y avait en réalité deux établissements distincts dans chacun desquels le pouvoir de représentation du comité d'établissement se limitait aux seuls salariés de l’établissement concerné.
Ainsi, il ne s’agissait pas d’un déménagement, mais d’une fermeture d'établissement avec la conséquence que le comité d’établissement initial n’était plus habilité à représenter les salariés et était bien dissous.
La décision est susceptible d’un pourvoi en cassation devant la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht).
Les conséquences pratiques
Même si une société ferme un magasin et en ouvre un autre à proximité, ce n'est pas seulement la proximité géographique qui détermine si un comité d'établissement (Betriebsrat) conserve son mandat ou le perd, mais la question de savoir si le nouveau magasin poursuit toujours le même objectif. Par conséquent, en cas de projet de fermeture et / ou de déménagement de locaux, il convient de bien vérifier les répercussions également sur les instances représentatives du personnel ainsi que les obligations de l’employeur allemand envers le Betriebsrat (notamment consultation préalable et le cas échéant, négociations des accords sur la mise en place de la fermeture et / ou le déménagement).
11.08.2023