Allemagne : Déduction automatique du temps des pauses ?
Le Bundesarbeitsgericht (BAG, Cour fédérale du travail allemande) a récemment dû se prononcer sur la question de savoir si un système dans lequel des pauses sont automatiquement déduites du temps de travail enregistré peut prouver que ces pauses ont effectivement été faites.
Les faits
La demanderesse était une médecin assistante employée à temps partiel qui, après la fin de son contrat de travail, a réclamé le paiement de ses heures supplémentaires. Elle a fait valoir qu'elle avait notamment travaillé pendant ses pauses et a donc effectué des heures supplémentaires.
La durée de travail des salariés était enregistrée par un système électronique basé sur une convention d’entreprise sur le temps de travail flexible. Cette convention prévoyait que, sauf justification contraire, une pause était automatiquement déduite (30 minutes au-delà de 6 heures de travail, 45 minutes au-delà de 9 heures). La déduction automatique des pauses était indiquée dans la documentation du temps de travail par « PA_A », tandis que les pauses effectivement enregistrées par les employés à l'aide des terminaux de saisie des temps portaient « PA_D ».
La salariée a toutefois fait valoir que, les jours où la pause avait été automatiquement déduite, elle avait travaillé pendant la pause.
Le litige portait fondamentalement sur la question de la charge de la preuve concernant l’exécution d’heures supplémentaires et la prise – ou non – des pauses.
La décision
Étant donné que la salariée a tenu une liste écrite indiquant chaque jour ses heures travaillées, elle a suffisamment justifié ses heures travaillées et les heures supplémentaires qui en résultent. Le tribunal a estimé que la demanderesse avait suffisamment décrit, pour chaque jour concerné, les périodes travaillées, en précisant qu’elle n’avait pas pris de pause, sauf celles expressément déclarées au système.
L'employeur devait donc prouver que les heures réclamées n'avaient pas été effectuées dans le volume prétendu.
Le BAG a jugé que l’automatisation de la déduction des pauses ne constitue pas une preuve que les pauses ont effectivement été octroyées et prises. L’employeur doit, en cas de litige, pouvoir démontrer concrètement à quel moment un(e) salarié(e) a interrompu son activité pour prendre une pause. La simple automatisation via le logiciel ne remplace ni l’obligation de documentation concrète, ni le contrôle effectif de la réalité de la pause. Ainsi, lorsque le/la salarié(e) rapporte avoir travaillé sans interruption durant un créneau où une pause a été automatiquement déduite, l’employeur doit apporter des éléments précis et circonstanciés pour établir que la pause a bien été prise.
Conséquences pratiques pour les employeurs
- Les heures supplémentaires peuvent être expressément ordonnées par l'employeur ou être ordonnées de manière tacite, notamment lorsqu'elles sont tolérées et que la charge de travail nécessite la réalisation d'heures supplémentaires.
- Le jugement montre que les employeurs doivent respecter leur obligation d'enregistrer les heures de travail afin d'éviter qu'en cas de litige, il ne soit pas possible de prouver les heures de travail réellement effectuées par les salariés : L’employeur doit mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier de ses salariés.
- Afin de limiter le risque financier, il est également recommandé de prévoir une clause de forclusion efficace dans le contrat de travail.
15.10.2025