Comment racheter une entreprise en Allemagne
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Fusions & Acquisitions (M&A) en Allemagne
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I. Pourquoi racheter une société en Allemagne ?
L’intention classique des acquéreurs est principalement la quête de nouveaux marchés et de réaliser ainsi une croissance externe. Exporter des produits ou s'implanter en Allemagne permet non seulement de répondre à une logique de croissance, mais aussi de minimiser les risques liés à la concentration des investissements et des clients en France. Un des objectifs d'une expansion à l’étranger peut également être l'acquisition de compétences (moins spécialisées en France), de nouvelles technologies (déjà sur le marché en Allemagne), de savoir-faire ou de machines innovantes afin d'assurer la compétitivité de l'entreprise.
La proximité géographique de l'Allemagne, sa stabilité économique ainsi que la solvabilité reconnue de ses entreprises en font une destination privilégiée. Ainsi, en vue d’une implantation rapide et effective sur un nouveau marché, l’acquisition d’une société en Allemagne s’avère être un excellent moyen de croissance, plus efficace et rapide qu’une constitution d’une nouvelle société. En effet, l’acquéreur bénéficie du savoir-faire et des structures existantes de la cible déjà en activité avec ses équipes opérationnelles et une clientèle nationale constituée. Par conséquent, la société sera plus à même de générer rapidement des bénéfices.
Il faut ensuite trouver la bonne cible qui répond aux attentes et aux objectifs de l'acquéreur. Une stratégie précise permettra de fixer le profil des cibles recherchées. Les critères peuvent être nombreux et variés (géographiques, ressources humaines, droits de propriétés intellectuelles, clientèle…). Les motivations pour le rachat d’une entreprise allemande doivent s’inscrire dans une stratégie globale à développer avec vos conseils juridiques. En général, les sociétés francophones se font accompagner par des sociétés de conseils spécialisées en M&A (p. ex. www.villafrance.com).
II. En quoi consiste le rachat d’une société ?
En droit allemand comme en droit français, on distingue deux types d’opérations d’acquisition. Il s’agit d’une part, de l’acquisition des parts sociales, ou actions de la société cible (appelée communément share deal) détenues par les associés, et d’autre part de l’acquisition d’éléments d’actif isolés (appelée asset deal) directement auprès de la société, que nous détaillerons dans une autre fiche technique.
La notion de share deal est identique en France et en Allemagne. Elle renvoie à l’acquisition de la société dans son ensemble, en tant que personne morale, par le biais d’un transfert de parts sociales ou d’actions. Cela signifie que tous les liens contractuels avec des tiers concernant tant des créances, que des dettes sont en principe transmises. Dans l’ordre externe, la continuité de l’activité commerciale de la société sur le marché est assurée. Cela constitue notamment un avantage lorsque la cible bénéficie d'une image de marque et de contrats à long terme déjà en cours d’exécution avec ses clients. La cession de la société emporte néanmoins également le transfert des risques concernant la responsabilité, ce qu’il conviendra d’encadrer au mieux dans le contrat de cession.
La grande différence entre le droit français et le droit allemand réside notamment dans le formalisme requis : en effet en droit allemand un share deal sera conclu sous la forme d’un acte notarié lorsqu’il s’agit de la cession de parts d’une société à responsabilité limitée de droit allemand (GmbH ou Gesellschaft mit beschränkter Haftung). Cette formalité est inexistante dans le cas d’une SARL de droit français ou s’agissant de toute autre forme de société.
III. Quels sont les avantages et les risques d'un rachat de société ?
Avantages |
Risques |
Continuité de la société Le principal avantage du share deal pour l’acquéreur est la continuité de la société. L'acheteur acquiert la société en tant qu'entité fonctionnelle, avec l'ensemble de ses actifs inscrits au bilan et hors bilan : les contrats de travail sont transférés de plein droit, il en va de même des mandats des représentants. La société continue d’utiliser la même raison sociale et conserve les autorisations administratives déjà délivrées. |
Transfert des risques L’acquéreur acquiert la société avec l'ensemble de l’actif et du passif. Les risques, même inconnus, lui sont également transférés, à moins que le contrat de cession n'en dispose explicitement autrement. En conséquence, afin de réduire les dangers potentiels, l'acheteur a intérêt à identifier les dangers existants dans le cadre d’un audit et à les couvrir par un catalogue de garanties correspondant dans le contrat d’acquisition de la société cible. |
Maintien des contrats en cours Les contrats conclus par la société avec les clients, les fournisseurs ou les bailleurs restent en vigueur. |
Clauses de changement de contrôle Il n'est pas rare que certains contrats majeurs contiennent des clauses dites de changement de contrôle, qui confèrent aux tiers contractants un droit unilatéral de résiliation en cas de changement concernant l’identité des associés, en principe en cas de changement de contrôle de la société cible, à savoir d’une cession de plus de 50% des parts sociales ou actions. Il conviendra donc d’identifier et de renégocier ces contrats au moment de la transaction. |
Procédure simple et rapide Un share deal est relativement simple à mettre en œuvre puisqu’il n'existe qu'un seul objet contractuel, à savoir les parts sociales ou actions de la société cible. |
Liberté contractuelle limitée L'objet du contrat ne peut pas être adapté aux besoins individuels de l'acquéreur à l’inverse de l’asset deal. Parfois, des restructurations préalables à la transaction sont nécessaires (en particulier le Carve-out ou aussi le détourage, consistant à organiser au sein d’un groupe ou d’une société isolée, à procéder à la séparation d’un ou plusieurs de ses actifs en vue d’une réorganisation interne). Si le vendeur agit suffisamment en amont de la cession, il peut garder le contrôle sur ces opérations préalables. |
IV. Restructurations en amont de la transaction
La structure juridique et fiscale de la société cible joue un rôle crucial dans sa vente. Une restructuration en amont de la transaction peut s’avérer stratégique. L'initiative de la restructuration peut non seulement être initiée par les actionnaires de la société afin de rendre celle-ci plus attrayante pour un acquéreur potentiel, mais souvent, la suggestion vient de l’acheteur potentiel avec lequel des discussions de vente sont déjà en cours.
Des avantages fiscaux peuvent par exemple entrer en jeu : Si la société cible est une société de capitaux (Kapitalgesellschaft), le cédant n'a en principe aucune raison de restructurer son entreprise en changeant de forme juridique pour devenir une société de personnes (Personengesellschaft), étant donné que les bénéfices issus de la cession d'une participation dans une société de capitaux sont imposés à un taux avantageux (§§3-40, 3c EStG). En revanche, si la société cible est exploitée sous la forme juridique d'une société individuelle (Einzelunternehmen) ou d'une société de personnes, il peut être préférable de faire précéder la transaction d’une transformation en société de capitaux (Kapitalgesellschaft).
La structure juridique et fiscale de la société cible joue un rôle décisif dans les négociations préalables à la vente et peut aboutir à la rupture des négociations de vente. C'est pourquoi il est important, en amont de la transaction, d'anticiper les objectifs et intérêts réciproques de l'acquéreur et du vendeur afin de créer une plus-value économique.
V. Quelles sont les étapes rachat de société à respecter ?
Au cours du processus d’acquisition d’une société en Allemagne par le biais d’un share deal, plusieurs étapes sont à respecter :
- La signature d’un accord de confidentialité, souvent avant le début des négociations, est recommandée, permettant de sécuriser les échanges d’informations qui auront lieu durant toute la période de l’opération d’acquisition.
- La phase précontractuelle est caractérisée par la signature d’une lettre d’intention (Letter of intent également appelée Term sheet), permettant de définir les éléments essentiels de la cession et éventuellement de fixer un calendrier de l’opération à titre indicatif. L’accord de confidentialité peut également faire partie intégrante de la lettre d’intention.
- La phase d’audit (due diligence) est primordiale et permet à l’acquéreur d’identifier tous les potentiels risques en amont de la transaction et d’avoir un levier de négociation. En effet, l’audit permettra d’intégrer dans le contrat de cession les garanties et exemptions de responsabilité à l’égard de l’acquéreur, en fonction des risques identifiés, qui ne pourraient pas être limités par le vendeur en amont de la cession. Les conseils de l’acquéreur auditent pour cela les contrats et documents mis à leur disposition au sein d’une « data room » virtuelle relatifs en principe a minima aux aspects légaux, sociaux et fiscaux de la société cible.
- La phase des négociations contractuelles ainsi que la phase de coordination avec les banques et la constitution de garanties bancaires le cas échéant, comme le nantissement des actions de la société cible.
- La signature du contrat d’acquisition (Signing) concrétise l’accord trouvé par les parties. En Allemagne, cette signature devra se faire par devant notaire étant précisé que les actes seront intégralement rédigés et négociés par les avocats des parties.
- La date de réalisation du transfert (Closing) peut être différente de celle du Signing dans l’hypothèse où la vente est conditionnée par l’accomplissement de Closing conditions, des conditions déterminées entre les parties, dont l’exécution intervient après la signature du contrat d’acquisition, mais sans lesquelles la réalisation de la vente ne pourra pas avoir lieu (ex : Renonciation aux droits de préemption des actionnaires minoritaires ou signature d’accords antitrust). A cela s’ajoutent également les conditions suspensives concernant par exemple le paiement du prix d’achat à la réalisation de la vente. En principe les parties signent, en sus du contrat d’acquisition, un Closing protocol permettant de consigner à l’écrit les déclarations et actions réalisées lors du Closing, sans que cet accord écrit ne soit soumis à une condition de forme.
- Enfin, l’exécution du contrat d’acquisition peut engendrer à posteriori l’exécution de contrats de services transitoires lorsque ces derniers sont nécessaires afin de permettre une intégration définitive de la société nouvellement acquise. Il s’agit d’un contrat aux termes duquel le vendeur s’engage de manière transitoire à fournir un certain nombre de services à l’acquéreur, en principe des activités opérationnelles externalisées, notamment à la société mère du groupe du vendeur par la société cible.
VI. Quels sont les délais spécifiques à prendre en compte ?
En comparaison avec le droit français, une des différences dans le processus d’acquisition relève de la procédure préalable d’information et consultation des salariés. En France, dans le cadre d’opérations de cession de sociétés, les salariés doivent être informés du projet de cession dans un délai maximal de 2 ans et un délai minimal de 2 mois en amont de la cession.
En Allemagne cette obligation n’existe pas sous la même forme. Toutefois, en cas de cession de contrôle (soit dès lors que plus de 50% des parts sociales ou actions de la société sont cédées), d’une société qui emploie plus de 100 salariés permanents, l’équivalent allemand du comité économique et social, le Wirtschaftsausschuss, doit en principe être informé de la cession envisagée.
L’obligation d’information existe à compter du moment où une offre fixe a été faite et doit intervenir avant l’exécution du contrat de vente. Cela a pour conséquence qu’en pratique l’information est faite juste avant ou concomitamment au Signing, étant donné que ce contrat représente l’accord trouvé par les parties sur les conditions de vente. S’agissant du contenu de l’obligation : le dirigeant doit en principe transmettre à l’organe de représentation des salariés des informations sur l’acquéreur, sur les intentions de ce dernier quant à l’activité de la société cédée et les potentielles conséquences de cette cession sur les salariés. Le non-respect de cette obligation d’information ne peut pas avoir pour conséquence le blocage de la transaction mais le cédant risque une amende pécuniaire pouvant aller jusqu’à 10 000€ De plus il convient de prendre en compte les potentiels délais qui s’imposeront à la transaction si celle-ci relève du domaine des investissements étrangers (Ausländische Direktinvestitionen), à savoir les acquisitions mais aussi les investissements minoritaires par des sociétés étrangères dans des domaines économiques spécifiques, dits « stratégiques ». En France, le Trésor Public dispose d’un premier délai de 30 jours à compter de la réception du dossier de demande d’autorisation pour indiquer à l’investisseur si la transaction est autorisée sans conditions ou bien si elle est soumise à un nouvel examen dans un délai complémentaire de 45 jours en vue de déterminer si la préservation des intérêts nationaux nécessite la fixation de conditions
En Allemagne, la procédure de contrôle des investissements étrangers s’applique d’une part à tout acquéreur et investisseur dans le cadre du contrôle dit « sectoriel », lorsque la société cible exerce une activité relevant l’industrie de l'armement, des biens à double usage et de l’industrie de la sécurité informatique et d’autre part aux acquéreurs et investisseurs originaires d’un pays tiers à l’Union européenne (ou l’EFTA) dans le cadre du contrôle dit « intersectoriel » (visant un plus large champ d’activités). Dans les deux hypothèses la procédure est sensiblement plus longue qu’en France en ce qu’elle prévoit une première phase de contrôle de 2 mois à compter en principe de la déclaration de l’investissement, puis d’une seconde phase initialement prévue pour 4 mois, pouvant aller jusqu’à 8 mois.
Par ailleurs, également imposée dans un souffle européen, la procédure de contrôle des concentrations par la Commission européenne peut s’avérer être un enjeu majeur pour votre transaction. En effet, les autorités nationales de contrôle des Etats membres peuvent désormais (depuis une nouvelle prise de position de la Commission européenne en date d’avril 2021) soumettre au contrôle de la Commission européenne toute opération qui pourrait affecter le commerce entre les Etats membres, sans minima de seuil.
En outre, dans l’hypothèse où l’acquisition d’une société en Allemagne serait réalisée sous la forme d’un share deal, il conviendra nécessairement de respecter les éventuels délais de rendez-vous chez le notaire.
VII. Quels sont les coûts à prévoir ?
Enfin, comme susmentionnée, une spécificité allemande est celle de l’obligation de forme notariée lorsqu’il s’agit de la cession de parts d’une société à responsabilité limitée de droit allemand (Gesellschaft mit beschränkter Haftung). En effet, dans cette hypothèse, la transaction suppose la conclusion d’un acte notarié et par conséquent impose des frais de notaire afférents. Ces derniers sont fixés par un barème légal et sont indexés sur le prix d’acquisition.
Néanmoins, à l’inverse de la France, l’Allemagne ne prévoit pas de coûts d’enregistrement de la cession.
01.06.2022