Déclaration de créances et procédure collective en Allemagne – Quid de la « contestation provisoire » ?
En Allemagne tout comme en France, une créance déclarée dans le cadre d’une procédure collective n’est admise au passif qu’à défaut de contestation par le mandataire judiciaire, ou si la contestation a été levée (art. 178 para. 1 InsO, Code de l’insolvabilité allemand).
Or, nombreux sont en pratique les cas où, la déclaration au passif d’une société allemande insolvable une fois faite, le créancier regarde le tableau du passif et constate que sa créance est « provisoirement contestée » par le mandataire judiciaire.
Lorsque la créance est contestée, le créancier doit poursuivre la constatation de la créance, en échangeant avec l’administrateur afin de faire lever la contestation, voire le cas échéant en saisissant les tribunaux pour faire constater sa créance (art. 180 InsO).
Or, que se passe-t-il en cas d’une contestation provisoire ? On peut admirer la facilité avec laquelle le mandataire judiciaire semble pouvoir se débarrasser de son obligation de vérifier les créances déclarées, ou bien critiquer la notion même de la contestation « provisoire » car elle n’est point prévue par la loi. La jurisprudence allemande s’est jusqu’à présent rangée dans le deuxième camp, tout en rappelant qu’une contestation, même provisoire, empêche l’admission de la créance au passif (BGH, ordonnance du 9 février 2006 - IX ZB 160/04).
La situation du créancier est d’autant plus inconfortable que, encore selon la jurisprudence allemande, en cas de contestation « provisoire », il lui revient de contacter le mandataire afin de s’enquérir des raisons de la contestation avant de saisir la justice. En effet, dans le cas où le créancier détenteur d’une créance contestée « provisoirement » saisit directement la justice pour demander la constatation de sa créance, et le mandataire reconnait immédiatement devoir admettre la créance au passif, il s’avère que l’assignation n’avait en réalité pas été nécessaire. Dans ce cas, les frais de justice seront mis à la charge du créancier : Selon une règle générale de procédure civile allemande, les frais de justice seront mis à la charge de la partie demanderesse dès lors que la défenderesse n’a pas provoqué l’assignation (art. 93 ZPO, Code de procédure civile allemand).
C’est dans ce contexte que la Cour fédérale de justice allemande (BGH) a récemment abordé la question des obligations de coopération du mandataire judiciaire dans un cas où la contestation provisoire a fini, en quelque sorte, par « s’éterniser » : Dans sa décision du 27 avril 2023, rectifiée par ordonnance du 21 juin 2023 (IX ZR 99/22) la Cour a tranché un litige où le mandataire avait d’abord contesté « provisoirement » une créance et avait ensuite omis de se prononcer de manière définitive sur son admission au passif, si bien que la créance n’avait pas été inscrite au passif. En l’occurrence, l’administration fiscale allemande (Finanzamt) ès qualités de créancier n'avait par conséquent reçu aucun dividende lors de la distribution finale.
La Cour a retenu que ce faisant, le mandataire judiciaire avait commis une faute et devait donc réparer le préjudice en résultant. En effet, selon les juges, le terme de contestation « provisoire » implique que le mandataire judiciaire revienne encore, de sa propre initiative, vers le créancier en question, afin de clarifier le sort de la créance.
Attention toutefois : La Cour rappelle qu’il incombe au créancier de s’assurer que sa créance est bien déclarée au passif, et que ce dernier ne peut pas nécessairement se fier à ce que le mandataire judiciaire revienne vers lui. Elle a ainsi renvoyé l’affaire devant les juges de fond, pour faire juger si l’inactivité de l’administration fiscale n’était pas constitutive d’une faute concurrente.
Tant que la créance n’est pas définitivement inscrite au passif dans le cadre d’une procédure collective en Allemagne, le créancier se doit de rester proactif et de poursuivre par tout moyen la constatation de sa créance.
13.10.2023