Les actions en nullité de paiements d’une GmbH allemande en situation d’insolvabilité ou surendettement
Le droit des procédures collectives allemand est basé sur le principe qu’une crise financière d’une société une fois constatée (p.ex. la cessation de paiements) a débuté avant même d’avoir été rendue publique à travers le dépôt du bilan (cf. notre article). Le liquidateur judicaire va tenter, une fois nommé, de rétablir a posteriori la situation financière de la société, telle qu’elle aurait été si le management avait tout de suite réagi correctement, à savoir déposer le bilan en temps voulu et traiter tous ses créanciers de manière égale. Les outils qui s’offrent au liquidateur à cet égard sont notamment la responsabilité civile du gérant ainsi que les actions en annulation de certains paiements.
En France, il existe une seule « période suspecte », à savoir l’intervalle de temps compris entre la date avérée de la cessation des paiements et celle du jugement d’ouverture de la procédure collective qui va constater cet état (dix-huit mois maximum). En Allemagne, en revanche, les délais des actions en nullité sont différents de ceux de la France et assez divers.
Les différentes actions en nullité et leurs délais en droit allemand
Les actions en nullité se trouvent dans les para. 129 et suiv. de la Insolvenzordnung (InsO, Code des procédures collectives allemand). Les actes réalisés avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité et portant préjudice aux créanciers peuvent être contestés et annulés par le liquidateur. Une dérogation s’applique pour les contrats d’échange courant qui sont remplis dans un court délai d’environ deux à quatre semaines, sans effet de crédit (échange de biens et de contrepartie).
Le liquidateur, étant tenu par des obligations déontologiques strictes, va recourir à ces facultés de manière assez systématique.
Il s’agit notamment des cas suivants :
- Actes effectués juste avant le dépôt du bilan
Premièrement, selon le para. 130 InsO, tout acte juridique qui a permis à un créancier d’obtenir une garantie ou un règlement est annulable (et ce même si le paiement ou l’acte était dû), notamment s’il a été accompli durant les trois derniers mois précédant la demande d´ouverture de la procédure d’insolvabilité, et si lors de l’acte, le débiteur était insolvable et que le créancier le savait ou ne pouvait l’ignorer, notamment à cause d’un lien personnel ou organisationnel (p.ex. société mère ou filiale) étroit.
- Avantages auxquels le créancier n’a pas droit
Selon le para. 131 InsO, il n’est pas permis au débiteur de donner une satisfaction ou une sûreté à un des créanciers à laquelle ceux-ci n’avaient pas droit (en tout cas pas au moment de l’acte), sous peine de nullité, et ce si l’acte/paiement a eu lieu un à trois mois avant la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, ou après cette demande, ce délai étant plus ou moins long selon la situation financière du débiteur et le niveau de connaissance du créancier de l’effet pénalisant de l’acte pour les autres créanciers.
- Actes désavantageant directement les créanciers
Selon le para. 132 InsO, les actes juridiques effectués par le débiteur qui désavantagent directement les créanciers sont annulables, s’ils ont été réalisés par le débiteur au cours des trois derniers mois précédant la demande d’ouverture ou bien après, alors qu’il était insolvable et que l’autre partie en était consciente au moment de l’acte. Cela est le cas notamment en cas de dilapidation de biens sociaux, p.ex. de vente d’actifs de la société sans contrepartie suffisante.
- Actes effectués par le créancier dans l’intention / en acceptant que cela nuise aux créanciers (délai de 10 ans !)
Selon le para. 133 InsO, tout acte juridique effectué par le débiteur dans les dix ans précédant la demande d’ouverture d’insolvabilité, dans l’intention/en acceptant que cela nuise à ses créanciers est annulable, si l’autre partie avait connaissance de cette intention au moment de l’acte. La connaissance est présumée si l’autre partie connaissait le risque d’insolvabilité imminente du débiteur et savait que l’acte portait préjudice aux créanciers.
Un contrat conclu à titre onéreux par le débiteur avec une personne proche ou une société liée qui désavantage directement les créanciers de l’insolvabilité est annulable, sauf si le contrat a été conclu plus de deux ans avant la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité, ou si l’autre partie n’avait pas connaissance de l’intention du débiteur de porter préjudice aux créanciers au moment de la conclusion du contrat.
- Actes à titre gratuit et donations (délai de 4 ans)
Selon le para. 134 InsO, un acte à titre gratuit de la société débitrice est annulable, à moins qu’il n’ait été effectué plus de quatre ans avant la demande d’ouverture de la procédure d’insolvabilité.
- Remboursement de comptes-courant d’associés (délai : 1 an) ou garanties pour ce remboursement (délai : 10 ans)
Selon le para. 135 InsO, sont annulables le remboursement de comptes-courant d’associés effectué dans l’année précédant le dépôt du bilan, et toute sécurité (caution, hypothèque, nantissement) donnée pour ce remboursement dans les dix ans précédant le dépôt du bilan.
Sont également traités comme des comptes-courant d’associés les paiements dus dont l’associé ne demande pas le remboursement dans un délai normal.
Si le régime de la responsabilité civile de la société mère pour une insolvabilité de sa filiale n’est pas aussi développé en Allemagne qu’en France, les actes en annulation de remboursements de comptes-courant d’associés ou de paiements similaires sont un phénomène récurrent en Allemagne qu’il convient d’anticiper.
09.07.2021