Participation externe dans cabinets d’avocats en Allemagne
Le 30 avril 2024, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a entendu la Grande Chambre dans l'affaire Halmer Rechtsanwaltsgesellschaft contre le barreau de Munich (C-295/23). Cette affaire pose la question de savoir si l'interdiction de prise de participation par des tiers à la profession (Fremdbesitzverbot) dans les cabinets d'avocats en Allemagne, telle qu'établie dans l'ancienne loi fédérale allemande sur la profession d'avocat (§ 59e BRAO a.F.), enfreint la liberté de circulation des capitaux, la libre prestation de services et la liberté d'établissement au sein de l'Union européenne.
La question de la participation des investisseurs financiers dans les cabinets d'avocats suscite de vifs débats parmi les avocats en Allemagne. En raison de son importance, l'affaire a été portée devant la Grande Chambre, le plus haut organe de décision de la CJUE, composé de 15 juges et de l'avocat général.
Problématiques de l'indépendance professionnelle
Le tribunal régional des avocats bavarois (BayAGH) a demandé si l'interdiction de prise de participation par des tiers à la profession pouvait être justifiée en vertu du droit européen. Les arguments tournent autour de la protection de l'indépendance professionnelle et du secret professionnel des avocats face aux intérêts potentiels des investisseurs financiers. Le gouvernement fédéral allemand, soutenu par d'autres États membres, soutient que l'interdiction protège ces valeurs et garantit que l'exercice de la profession d'avocat reste axé sur les intérêts du client.
Libertés fondamentales et examen de la proportionnalité
La Commission européenne met en avant la nécessité d'un examen approfondi de la proportionnalité. Elle soutient que l'interdiction générale de prise de participation par des tiers à la profession dans les cabinets d'avocats doit être évaluée par rapport aux principes fondamentaux du marché unique. Selon elle, des mesures moins restrictives pourraient permettre d'atteindre le même objectif, garantissant l'indépendance professionnelle et le secret professionnel, tout en respectant la libre circulation des capitaux, la libre prestation de services et la liberté d'établissement.
Importance de l'indépendance professionnelle et du secret professionnel
L'un des principaux arguments en faveur de l'interdiction repose sur la nécessité de préserver l'indépendance des avocats et le secret professionnel, qui sont essentiels à la bonne administration de la justice. Le tribunal régional des avocats bavarois (BayAGH) estime que ces valeurs seraient menacées par l'implication d'investisseurs financiers dans les cabinets d'avocats, car cela pourrait les amener à orienter leur conseil et leur pratique pour répondre aux intérêts des investisseurs plutôt qu'à ceux de leurs clients.
Considérations de cohérence
La cohérence de la réglementation est également en jeu, étant donné que des réformes récentes du cadre réglementaire allemand ont déjà assoupli certaines des règles précédemment en vigueur. Ces changements soulèvent des questions sur la cohérence des dispositions actuelles avec les principes européens et sur leur efficacité à atteindre les objectifs poursuivis.
Conclusion et perspectives
La décision finale de la CJUE, après l'avis attendu de l'avocat général Campos Sánchez-Bordona en juillet 2024, apportera un éclairage crucial sur la manière dont l'Union européenne envisage l'équilibre entre les principes fondamentaux du marché unique et les réglementations nationales visant à protéger l'indépendance de la profession juridique. Elle influencera potentiellement la réglementation des cabinets d'avocats non seulement en Allemagne, mais également dans d'autres États membres. Les cabinets d'avocats, en particulier les avocats (ou Rechtsanwälte en allemand) opérant en Allemagne, devraient donc prêter une attention particulière à l'évolution de cette affaire pour s'adapter aux changements éventuels dans le paysage réglementaire et concurrentiel.
10.05.2024