Nouvelles incertitudes sur la procédure de licenciement collectif en Allemagne
Comme nous l’avons déjà expliqué récemment dans l'article « Licenciement collectif en Allemagne – nouvelles contraintes » , la notification d’un projet de licenciement collectif doit obligatoirement être déposée auprès de l’Agence du travail allemande (l’équivalent du Pôle emploi) avec toutes les informations requises à peine de nullité des licenciements. Une nouvelle affaire devant la Cour fédérale du travail (arrêt du 27 janvier 2022, 6 AZR 155/21 non encore publié) contraint l’employeur à prendre de nouvelles précautions.
Outre l’obligation de notification du projet de licenciement collectif à l’Agence du travail, l’employeur doit (§ 17 al. 2 et al. 3 de la loi allemande sur la protection contre le licenciement, KSchG) également informer par écrit et consulter le comité d’entreprise (Betriebsrat) sur le projet de licenciement et plus précisément :
- Les raisons du projet de licenciement
- Le nombre et les catégories professionnelles des salariés concernés par le projet
- Le nombre et les catégories professionnelles de salariés habituellement employés dans l’entreprise
- La période au cours de laquelle les licenciements doivent intervenir
- Les critères d’ordre des licenciements qu’il est prévu d’appliquer
- Les critères prévus pour le calcul des éventuelles indemnités de rupture.
Conformément à cette disposition légale, qui transpose une disposition de la directive européenne sur le licenciement collectif (98/59/CE), l’employeur doit communiquer une copie de cette information à l’Agence du travail.
Que se passe-t-il s’il omet de le faire ? La loi reste muette à ce sujet. L’on pourrait penser que l’employeur ne s’expose à aucune sanction s’il a rempli l’ensemble des autres obligations, à savoir l’information écrite et la consultation du comité d’entreprise sur le projet et la notification du projet de licenciement à l’Agence du travail.
En effet, l’Agence du travail reçoit l’ensemble des informations au plus tard lorsque l’employeur lui notifie le projet de licenciement, notification qui doit intervenir après que le comité d’entreprise a rendu son avis, l’avis devant y être joint.
L’Agence du travail dispose donc des informations essentielles. La seule information manquante, en comparaison aux informations transmises au comité d’entreprise, concerne les critères prévus pour le calcul des éventuelles indemnités de rupture, la loi ne prévoyant pas expressément qu’elle doit être notifiée à l’Agence du travail.
Dans la présente espèce, l’employeur avait omis de communiquer à l’Agence du travail une copie de l’information transmise au comité d’entreprise.
L’un des salariés licenciés a revendiqué la nullité de son licenciement en raison de cette omission. Selon lui, la transmission de la copie de l’information à l’Agence du travail constituerait une condition de validité du licenciement en raison de son caractère protecteur pour les salariés : la transmission de cette information vise à garantir que l'Agence du travail est informée le plus tôt possible des licenciements à venir afin de pouvoir adapter ses efforts de recherche de reclassement.
Après avoir été débouté par les instances inférieures, le salarié a saisi la haute juridiction (la Cour fédérale du travail). Celle-ci a posé une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union européenne pour savoir si l’obligation de communication à l’Agence du travail des informations transmises au Betriebsrat, obligation prévue dans la directive européenne, constitue ou non une condition de validité des licenciements. Il convient d’attendre le positionnement de la CJUE.
Recommandations pratiques :
En l’état actuel de la jurisprudence, il est vivement recommandé de transmettre une copie de l’information destinée au comité d’entreprise à l’Agence du travail afin d’éviter tout risque de nullité des licenciements, quand bien même l’employeur pourrait démontrer par un autre biais que l’Agence du travail s’est bien vu notifier l’ensemble des informations sur le projet de licenciement collectif devant lui être soumises. La consultation du comité d’entreprise dans le cadre d’un licenciement collectif comprend, en règle générale, également la négociation d’un accord d’équilibre des intérêts (Interessenausgleich) et d’un plan social (Sozialplan) ainsi que la consultation du comité sur chaque licenciement. Ces différentes étapes sont souvent combinées en pratique ce qui ne pose aucune difficulté sous réserve qu’aucune ne soit oubliée.
08.02.2022